Du 7 au 14 juin 2025, Marseille sera le théâtre de la première édition de la Slow Fashion Week, pensé par le collectif Baga, 70 acteurs de la mode engagée pour sensibiliser le grand public à l’impact écologique de l’industrie textile tout en mettant en lumière les créateurs locaux. Une semaine d’ateliers, de défilés et de rencontres pour célébrer l’innovation et les pratiques écoresponsables. Baga ambitionne de faire de Marseille un tremplin pour les marques émergentes et un modèle de mode durable.
L’expression "Slow Fashion" vient du concept de "Slow Food", un mouvement né en Italie dans les années 1980 en réaction à la montée de la restauration rapide (fast food). Le Slow Food encourage une alimentation locale, de qualité et respectueuse de l’environnement.
C’est en 2007 que la chercheuse et designeuse britannique Kate Fletcher, spécialisée dans la mode durable, a introduit le terme "Slow Fashion" et théorise cette expression pour dénoncer les pratiques néfastes de la Fast Fashion, encourager une production et une consommation de vêtements plus responsables. Depuis, le concept a gagné en popularité et est devenu un pilier du mouvement pour une mode plus éthique et durable. Il s’agit de repenser le lien aux vêtements portés, leur entretien et cycle de vie, ne plus consommer passivement des tendances dictées par les marques.
Slow Fashion vs fast fashion
Douze ans après le tragique accident de Rana Plaza au Bangladesh ayant coûté la vie à plus de 1100 personnes, l'envers du décor de la mode est toujours d'une grande précarité pour des millions de personnes employées dans l'industrie du vêtement. Les chiffres du rapport d’Oxfam Australie sont effarants. Parmi l’échantillon de personnes interrogées dans ce pays, 9 ouvrier·e·s sur 10 déclarent que leurs revenus ne permettent pas de subvenir aux besoins essentiels de leur foyer. Une grande majorité d’entre eux fait régulièrement des heures supplémentaires (99% au Bangladesh, 65% au Vietnam), et ces conditions de travail précaires ne leur permettent pas de manger à leur faim, de vivre dans un logement décent ou encore de couvrir les frais de scolarité de leurs enfants.
Par ailleurs, selon un rapport de 2022 de la fondation Ellen Mac Arthur, l'industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de carbone, soit plus que les secteurs des vols internationaux et du transport maritime combiné. Si la croissance de la Fast Fashion continue au même rythme, cette part pourrait grimper à 26% en 2050, ce qui rendrait impossible d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris.
La production mondiale de fibres textiles a presque doublé entre 2000 et 2020, avec une augmentation notable de la consommation de vêtements à usage unique. En moyenne, chaque vêtement est porté entre 7 et 10 fois avant d'être jeté. La production de vêtements génère une consommation d'eau massive, avec des processus de teinture et de finition responsables de 20 % de la pollution mondiale de l'eau. De plus, les vêtements en polyester libèrent des microfibres plastiques lors du lavage, contribuant à la pollution des océans et contaminent la chaîne alimentaire.Chaque seconde, l’équivalent d'un camion poubelle rempli de vêtements est brûlé ou enfoui dans une décharge.
Marché de la mode durable
Face à cette empreinte sociale et environnementale du secteur de la mode fast fashion, le marché de la mode durable en France a connu une évolution notable ces dernières années, reflétant une prise de conscience croissante des consommateurs envers les enjeux environnementaux et sociaux.
Malgré les défis rencontrés par le secteur de l'habillement en 2024, le segment de la mode durable continue de croître, reflétant une transition vers des pratiques plus responsables et une demande croissante pour des produits respectueux de l'environnement. En 2024, le marché mondial de la mode durable est estimé à environ 9,22 milliards de dollars, avec des projections atteignant 20,8 milliards de dollars d'ici 2033, soit un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 9,46 % sur la période 2025-2033[1]. L'objectif de la mode "durable" aussi appelé "éthique" ou éco-responsable est de réduire les atteintes à l'environnement, repenser les processus de productions, favoriser les matériaux écoresponsables, produire en local et réduire l'empreinte carbone longue distance.
Si le frein au développement reste le coût des conditions de travail éthique et le prix des matières éco-responsables, 9 Français sur 10 souhaitent consommer plus de produits Made in France selon une enquête ipsos de 2023[2] .L'union européenne a été précurseur dans l’adoption de pratiques respectueuses de l’environnement et des droits humains. Avec des réglementations ambitieuses dont le pacte vert européen et sa stratégie pour des textiles durables, la loi Agec en France et des législations similaires dans d'autres pays européens, favorisant l'essor de l’économie circulaire avec l’interdiction de la mise en décharge des textiles, le passeport produit digital (PPD) en vigueur à partir de 2027, l’union européenne encourage innovations technologiques et engagement des entreprises
Si l’on peut s'interroger sur l'avenir du projet de loi de régulation de la fast-fashion ( voté à l'unanimité à l'assemblée nationale le 14 mars 2024 mais pas encore inscrit à l'agenda de vote du Sénat suite à la dissolution), la pression sociétale croissante pour plus de transparence et d'économie circulaire dans le secteur, l'implication des consommateurs et du développement des politiques RSE font de l'Europe un leader pour une transformation de l'industrie de la mode vers un modèle plus durable et responsable.
Pour aller plus loin : Notre Quesako sur la Mode
Sources
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